Pour une contraception à la carte

 

 

En 2004, la contraception de la femme reste un problème d’actualité. Si pour certaines femmes le choix d’un mode de contraception et son observance s’effectuent aisément, pour d’autres, intolérance, contre-indications et oublis s’imposent avec mise en échec. Le nombre d’interruptions volontaires de grossesse demeure élevé. Amenée à couvrir une grande période de la vie d’une femme, la contraception nécessite une adaptation permanente à l’âge de la patiente, avec prise en compte de ses envies et attentes comme de sa vie affective. Ainsi, la technique employée se doit d’être la plus efficace possible, bien tolérée par la femme et son partenaire et surtout acceptée au niveau de la psyché. Au fil du temps, les méthodes contraceptives se sont multipliées : stérilets, pilules, implants. Pourtant, certaines méthodes traditionnelles perdurent. Le coït interrompu, ou pratique du retrait, est certainement l’un des plus ancien procédé de contraception. Il fit baisser sensiblement la natalité au XVIIIème siècle et reste encore pratiqué, recommençant même à avoir le vent en poupe. Quoi qu’il en soit, beaucoup d’efforts sont faits dans le domaine de la recherche, attentions toutes particulières qui prennent en compte la part psychologique de la femme et du couple.

 

 

 

 

Le coït interrompu

 

Simple en apparence, il est basé sur l’interruption du rapport sexuel avec retrait de l’homme hors du vagin, avant éjaculation, qui est ainsi extra-vaginale. Cette technique nécessite de la part du partenaire une excellente maîtrise de soi car un retrait trop tardif devient fécondant. Il peut en être de même si l’éjaculation s’effectue au niveau de la vulve. Il est important de savoir également qu’il est nécessaire entre deux rapports successifs d’aller se laver et d’uriner car les spermatozoïdes présents dans le conduit urétral restent actifs. Ce type de contraception s’avère cependant être de fait déconseillé aux éjaculateurs précoces. Par ailleurs, le taux d’échec de cette méthode est élevé. L’indice de Pearl, qui mesure le risque de grossesse, est estimé statistiquement à la possibilité, en un an, de 17 grossesses pour 100 femmes utilisant cette technique. Sur le plan psychologique, cette pratique peut entraîner une frustration pour les deux partenaires. Pour l’homme, cette vigilance permanente est susceptible de mettre un frein à son plaisir et le renvoie à une notion d’interdit quant au sexe féminin. Chez la femme, le coït interrompu peut générer une anxiété intense par peur d’un retrait trop tardif de son  partenaire, le risque d’une grossesse non désirée bloquant ainsi l’accès au plaisir. La complétude qu’amène le rapport sexuel se trouve, par cette pratique du coït interrompu, perturbée pour l’un comme pour l’autre ; à l’inconscient, souvent, les répercussions ne sont pas négligeables.

D’autres méthodes ont pour but de préciser la période ovulatoire de la femme afin d’avoir des rapports sexuels en fonction de celle-ci.

La méthode Ogino

Elle a donné naissance, pendant la deuxième guerre mondiale, à de nombreux nourrissons dits « bébés Ogino ». Les travaux menés par Kiusaku Ogino au Japon et Hermann Knaus en 1920 ont permis, par l’étude de plusieurs cycles chez la femme, d’évaluer ses périodes de fécondité, en considérant le rythme des cycles ovulatoires comme stable. Ce mode de contraception repose sur l’abstinence périodique.

La courbe des températures

Dans le même esprit, cette autre technique s’appuie sur une détermination de la période ovulatoire de la femme. Pour ce faire, sa température doit être prise systématiquement par voie rectale le matin au réveil, tous les jours à la même heure, avant de se lever. Un décalage thermique de quelques degrés donne un plateau d’hyperthermie et correspond à la période d’ovulation de la femme qui se situe dans les 48 heures précédant la montée thermique et les deux premiers jours du plateau. En règle générale, un cycle a une durée de 28 jours et l’ovulation se produit une fois par cycle vers le 14ème jour. En réalité, des cycles de 23 à 35 jours, tout aussi variables soient-ils, sont parfaitement normaux. La première partie du cycle, selon la date d’ovulation qui n’apparaît pas forcément au 14ème jour mais avant ou bien après, est fluctuante en durée. En effet, l’état émotionnel de la femme, sa charge de travail, la présence d’enfants en bas âge avec de fréquents réveils la nuit, des maladies intercurrentes, peuvent influer. Par ailleurs, si au conscient la femme ne veut pas s’inscrire dans une maternité, le désir d’enfant peut tout à fait être présent à l’inconscient, ce qui ne manquera pas de brouiller pistes et calculs ! En revanche, la deuxième partie du cycle, déterminée par la date d’ovulation, est fixe, avec une durée de 14 jours. Quelle que soit la durée du cycle, la période de fertilité propice à une grossesse est celle entourant la date de l’ovulation.

Les couples qui veulent pratiquer cette méthode contraceptive ne pourront avoir des rapports non protégés que pendant les 8 premiers jours du cycle et à partir du 3ème jour du plateau d’hyperthermie, si leur courbe de température est parlante, ce qui est rarement le cas ! Par contre et paradoxalement, cette méthode peut participer à guider un couple qui veut un enfant.

Méthode d’aide à la contraception

Selon le même principe, un appareil dit « méthode d’aide à la contraception » permet de calculer la période ovulatoire par détection, au quotidien, du taux de variation d’hormones dans les urines. Depuis quelques années, il est en vente libre en pharmacie.

La contraception hormonale

La pilule contraceptive est employée depuis 1955. Elle est actuellement la méthode la plus fiable et la plus utilisée en France. Au premier rang d’entre elles sont les pilules oestro-progestatives (constituées de deux hormones : oestrogènes et progestérone) et les micro-pilules progestatives (progestatif à faible dose en continu). Des pilules plus fortement dosées en progestatifs peuvent aussi être administrées en discontinu. Elles sont réservées aux femmes présentant des troubles liés à un déficit en progestérone ou être indiquées en tant que contraception de deuxième intention en cas d’intolérance aux oestro-progestatifs. Une contraception par un progestatif retard injectable existe aussi qui a pour effets secondaires, essentiellement, une importante prise de poids et une suppression totale des menstruations régulières, souvent vécue comme une déféminisation. Ces injections s’adressent à des femmes ne pouvant prendre en charge une contraception par les autres méthodes et notamment en milieu psychiatrique.

Bien évidemment, la pilule idéale n’existe pas mais le panel de pilules mises à disposition permet à une majorité de femmes d’en sélectionner une qui va convenir individuellement. En dehors de tout but contraceptif, la prise de pilule peut s’effectuer pour des raisons thérapeutiques : irrégularités persistantes des cycles menstruels avec ou sans douleurs, kystes ovariens. Certaines pilules allient contraception et action bénéfique sur l’acné.

Le respect des contre-indications est nécessaire : concernant les pilules oestro-progestatives, il s’agit essentiellement des risques thrombo-emboliques (phlébite, accident vasculaire cérébral), des troubles cardio-vasculaires (hypertension artérielle, valvulopathie), d’anomalies du bilan sanguin (dyslipidémie), d’affections hépatiques, de cancers du sein et de l’utérus. Le tabagisme est déconseillé.

Les micro-pilules progestatives pourront être proposées comme alternative à la pilule oestro-progestative, notamment sur les terrains à risque artério-veineux, avec prise en compte des autres contre-indications. Les effets secondaires en sont essentiellement des nausées en début de traitement, des céphalées, une tension mammaire pénible, une prise de poids (qui ne doit pas excéder 3 kilos). Malgré plusieurs essais de pilules différentes, leur persistance ou intensité peut amener la femme à renoncer à cette méthode. En revanche, bien tolérée la pilule, par sa facilité de prise, assure une grande efficacité en matière de contraception et son utilisation n’est pas à coordonner avec l’acte sexuel. Ainsi est-elle vecteur d’une liberté sexuelle pour la femme. Mais, il faut le savoir, même correctement prise, le risque zéro n’existe pas. Par ailleurs, son mode d’action répond à des règles strictes. L’oubli d’un soir peut être rattrapé par la prise du comprimé le lendemain mais uniquement dans le cas d’une pilule oestro-progestative. Il en est de même si un vomissement survient dans les 4 heures qui suivent la prise du comprimé. En outre, la pilule micro-progestative ne permet pas cette souplesse.

La pilule du lendemain ou post coïtale est désormais en vente libre en pharmacie. Elle doit rester toutefois une contraception d’exception et être prise au plus tard dans les 72 heures suivant le rapport. Elle est indiquée à la suite d’un rapport non protégé ou d’un dysfonctionnement avec le préservatif (fuite, déchirure, mauvaise technique). Cependant, son efficacité n’est pas de 100%. Un retard de règles après son utilisation nécessite d’effectuer rapidement un test de grossesse.

D’autre part, depuis mai 2001, un implant hormonal à base de progestatif est commercialisé. Sa mise en place, par voie sous-cutanée au niveau du bras, est relativement aisée et permet d’assurer pour une durée de 3 ans une contraception particulièrement efficace. L’oubli n’a plus sa place mais le problème est déplacé sur sa tolérance qui reste moyenne. Cependant, la fréquence des saignements plusieurs fois dans le cycle amène un grand nombre de femmes à l’enlever.

Enfin, deux nouveaux systèmes de contraception hormonale sont actuellement disponibles : le patch et l’anneau contraceptif.

Le patch contraceptif, composé d’œstrogène et de progestatif, délivre à travers la peau des hormones comme la pilule. Son efficacité dure une semaine. Le risque d’oubli, diminué, persiste pourtant lors des changements de patch chaque semaine. Ses contre-indications sont celles des oestro-progestatifs et les effets secondaires les plus souvent rapportés consistent en symptômes mammaires, céphalées, réactions sur le site d’application et nausées. Il est à noter que sa présentation peut renvoyer à certains traitements de la ménopause et gêner ainsi certaines femmes au niveau psychologique.

L’anneau contraceptif, quant à lui, disponible depuis avril 2004, est efficace sur une durée de 3 semaines et libère deux types d’hormones au niveau de la muqueuse vaginale : oestrogène et progestative. Sa sécurité et son efficacité ont été établies chez des femmes de 18 à 40 ans dans le respect de contre-indications dues aux hormones. Sa mise en place et son retrait, effectués par la femme elle-même, s’effectuent toujours le même jour de la semaine, approximativement à la même heure. Les effets secondaires les plus fréquemment rapportés consistent en céphalées, vaginites et incidence de saignements irréguliers. Pendant les rapports sexuels, des problèmes ou des sensations de corps étrangers sont possibles. En cas d’expulsion accidentelle de l’anneau, celui-ci sera rincé et replacé immédiatement.

Ainsi donc, l’évolution des techniques de contraception hormonale progresse vers une plus grande sécurité, comme une meilleure efficacité. Pourtant, les oublis de pilule, qu’ils soient répétés ou d’un soir, avec déclenchement simultané d’une grossesse, une intolérance manifeste de toutes les pilules existantes, une prise de poids, se rapprochant de celle d’une grossesse, sont autant de situations révélatrices d’un conflit au niveau de la psyché entre désir inconscient d’enfant et nécessité consciente et rationalisée de contraception.

La contraception mécanique

Depuis 1960, le stérilet, ou dispositif intra-utérin, est utilisé par de nombreuses femmes. Il arrive en deuxième position après la pilule. Son mode d’action est essentiellement un effet anti-nidatoire par réaction inflammatoire de la muqueuse endo-utérine. Son efficacité contraceptive, bonne, est inférieure à celle de la pilule mais est améliorée par l’ajout de cuivre ou de progestérone. Ses effets indésirables concernent surtout l’allongement de la durée des saignements menstruels. Si une grossesse sur stérilet reste possible, le risque est alors essentiellement celui d’une grossesse extra-utérine avec un taux nettement plus important que dans la population générale. Sur le plan psychologique, ce dispositif peut être source de rejet du fait de la présence d’un corps étranger intra-utérin mais également par son mode d’action qui s’apparente à un mécanisme abortif. Ses indications sont la multipare sans malformation génitale.

Autre moyen de contraception connu de tous et toutes, le préservatif masculin. Il est actuellement la seule méthode qui protège contre les maladies sexuellement transmissibles et notamment le sida. Bien que le préservatif féminin existe, il n’a pas encore séduit son public. L’usage du préservatif est difficile à envisager comme méthode de contraception au long cours et s’avère être plutôt utilisé pour des relations occasionnelles à risques ou lors d’un changement dans le mode de contraception habituel de la femme. Son utilisation régulière au niveau d’un couple est souvent source de frustration avec diminution du plaisir. De plus, un risque de grossesse n’est pas totalement écarté en cas de mauvaise utilisation ou de préservatif percé. À noter enfin son intolérance en cas d’allergie au latex.

Par ailleurs le diaphragme, qui se place au niveau du dôme vaginal et s’utilise avec un gel de spermicide, nécessite pour sa mise en place motivation et apprentissage. Suivant le même principe encore, les spermicides locaux sont d’utilisation plus facile et constituent une barrière physico-chimique entre le sperme et le col. Ceux-ci se présentent sous la forme de crème, de gel, de mousse, d’ovules. Leur application peut poser des problèmes d’irritation au partenaire et leur effet contraceptif reste médiocre. Cette méthode est à réserver aux femmes ayant des rapports espacés ou en période de baisse de fécondabilité.

En dernier recours, la ligature des trompes reste possible. Cette intervention chirurgicale s’adresse à des femmes présentant une intolérance patente ou une contre-indication à l’utilisation d’un stérilet ou de la pilule. Cet acte ne peut être pratiqué que si la personne majeure intéressée, après une information détaillée et un délai de réflexion, confirme par écrit sa volonté de subir une telle intervention. À l’inconscient, une telle démarche peut s’apparenter à une castration. Pourtant, même avec cette méthode, une efficacité de 100% n’est pas assurée et sa réversibilité n’est pas certaine car la reperméabilité tubaire n’est pas garantie d’un succès permanent.

Ainsi, et en résumé, les différents modes de contraception tendent vers une plus grande diversité de produits, la recherche d’une meilleure tolérance, d’une plus grande efficacité avec le moins d’oublis possible. Chaque femme devrait, de fait, être en mesure de trouver, sans problème, la contraception qui lui convient. Pour autant, lorsque la femme est positionnée au niveau inconscient sur un désir d’enfant, le risque de grossesse augmente. L’oubli devient possible, les contre-indications se manifestent, les effets secondaires s’accroissent et peuvent entraîner l’arrêt du mode de contraception en cours. Chaque période de changement en ce domaine est un espace-temps à risques ! La survenue d’une grossesse non contrôlée, vécue comme « un accident », est cependant une possibilité offerte, en s’accordant le temps de la réflexion, pour lui donner sens. À condition de la replacer dans un désir d’enfant s’inscrivant dans l’histoire d’une femme et de son partenaire.

 

Docteur  Laurence Pescay