Quitter la dépression

 

 

 

Sur le plan médical, on entend par dépression un état associant modification profonde de l’humeur vers la tristesse et souffrance morale s’accompagnant de sentiment d’auto dépréciation, de culpabilité envers soi-même et l’entourage, de découragement, d’angoisse avec ralentissement, tant dans le domaine psychomoteur par désintérêt pour toute activité que sur le plan physique du fait de manifestations somatiques : anorexie, chute de la libido, insomnie ou, au contraire, hypersomnie…

 

 

 

Lorsque la dépression est masquée, l’affect dépressif est inapparent mais, à l’inverse, les plaintes corporelles, au premier plan, prennent formes diverses : asthme, troubles du sommeil, douleurs abdominales à type de colite ou en différents points du cœur et du corps. Sur le plan psychanalytique, hormis dans la psychose maniaco-dépressive, la dépression n’est pas une entité clinique en soi. Le maniaco-dépressif, sous le coup d’une douleur psychique intense, est atteint de mélancolie, dépression profonde et structurale marquée par une extinction du désir et un désinvestissement narcissique extrême ; elle se constitue autour d’une perte narcissique grave. Le terme dépression est donc plus à entendre comme un symptôme présenté par le sujet. Il renvoie à une mise en échec sur une situation donnée, avec dénarcissisation plus ou moins importante, selon l’histoire de l’individu et les difficultés qu’il rencontre. Chaque individu accède à l’âge adulte avec une certaine estime de soi, un narcissisme plus ou moins valorisant, en fonction de son histoire personnelle au cours de la petite enfance mais aussi constitué selon le vécu fantasmatique engrammé par le nourrisson qu’il était. Image de soi qui va aider à traverser les épreuves, à résoudre les situations difficiles. Lorsque l’individu se vit en situation d’échec sur le plan affectif et/ou social, non capacitaire à surmonter l’écueil, la perte d’énergie est considérable et la dépression s’installe. Pourtant tous les jours nous sommes amenés à traverser diverses situations d’échec, comme la recherche de clefs de voiture, la perte d’un document important et nous savons y faire face. Mais, lorsque l’épreuve est ressentie comme trop douloureuse par l’inconscient, la décompensation arrive. Une problématique peut aussi se produire de façon répétée. Sur le plan professionnel, les exemples sont nombreux : recherche infructueuse de travail, avancement professionnel bloqué, harcèlement moral du fait d’un supérieur hiérarchique… Dans le domaine affectif, ce peut être des conflits permanents au sein du couple ou de la famille, une mise en échec dans l’éducation des enfants, une difficulté à rencontrer un(e) partenaire, une grossesse qui n’arrive pas… La situation vécue ne correspond en rien aux schémas idéalisés que l’on peut avoir de la vie.

Du fait que, le plus souvent, est attendu de l’autre, tant sur le plan professionnel (patron) qu’affectif (partenaire), que cet autre reconnaisse, rassure et renarcissise, la dépendance à son égard dans l’attente d’un regard, d’un jugement, d’une disponibilité, rend beaucoup plus vulnérable. De par un complexe d’infériorité et une angoisse du temps associés à un sentiment abandonnique, l’impression d’être seul(e) ou incompris(e) par l’entourage monte en puissance et très rapidement s’installent dénarcissisation puis dépression.

Quitter la dépression passe donc par l’obligation de reprendre confiance en soi, en sa valeur, en ses potentialités et ses atouts ; ainsi le sujet retrouve-t-il en lui l’énergie nécessaire pour traverser une période difficile, mettre un terme à la situation d’échec avec les moyens qui lui sont propres. Il lui faudra apprendre à se reconnaître de façon positive sans passer par le regard d’un autre et, de ce fait, devenir moins sensible à un jugement si celui-ci s’avère négatif. Ce travail sur soi peut être effectué bien évidemment par le sujet lui-même, avec ou sans médicaments anti-dépresseurs. Mais, il faut être conscient aussi que la dépression renvoie souvent à compulsion de répétition, c’est-à-dire la reproduction des mêmes situations d’échec avec un épuisement du sujet et une perte de confiance en  soi de plus en plus importante. Dans ce cadre là, perte d’énergie et angoisses sont majeures et l’état psychologique et physique du sujet nécessitera une aide. Le travail devra nécessairement être effectué plus en profondeur, s’inscrivant dans le temps par une psychothérapie ou un travail analytique, afin d’aider le sujet à quitter durablement la dépression et rétablir une image valorisante, plus forte de soi.

 

 

 

Docteur Laurence Pescay