Stop à la frigidité

 

 

 

« Je suis frigide … ». D’une petite voix, la jeune femme assise en face de moi, de l’autre côté du bureau, me livre cette phrase. Le ton peu appuyé exprime une souffrance majeure, traduisant une culpabilité qui l’est tout autant. Rares sont celles qui osent briser la loi du silence, hormis quelques adolescentes, plus téméraires, venues consulter avec une amie. Le sujet est tabou…

 

 

 

 

La définition de la frigidité n’entraîne pas de véritable consensus. Pour la plupart, il s’agit de l’absence de plaisir au cours d’un rapport sexuel avec impossibilité d’obtenir un orgasme, clitoridien et vaginal, lors du coït. Pour d’autres, une insensibilité vaginale isolée correspond à une frigidité. Certains y incluent l’absence de tout désir ou anaphrosidie. La frigidité peut être, par ailleurs, accompagnée d’autres troubles des relations sexuelles comme le vaginisme, contraction involontaire des muscles pelviens empêchant l’intromission du pénis, ou la dyspareunie, douleurs déclenchées par les rapports sexuels. Pour autant, deux types de frigidité sont à distinguer selon qu’elle est primaire ou secondaire.

La frigidité primaire est, en règle générale, d’origine psychosomatique. La femme, dans ce registre, n’a jamais éprouvé d’orgasme. La recherche des éléments de l’anamnèse, au cours de l’entretien avec ce type de patiente et au travers de son histoire, en permettra la compréhension. Les cas de figures sont multiples qui ont pu amener à une telle psychosomatique : 

- Divorce parental traumatisant, problème relationnel avec un beau-père trop rigide ou entreprenant, père décédé prématurément et du fait d’un deuil non fait fixation, sont autant de scenarii pathogènes.

- L’éducation reçue, trop sévère ou entachant la sexualité de sale ou honteuse, entraînera un rejet du plaisir sexuel.

- Plus directement, des épisodes traumatiques de l’enfance ou de l’adolescence, comme les attouchements ou le viol, peuvent, bien évidemment, entraîner de lourds blocages d’ordre sexuel.

- Par ailleurs, les circonstances de la vie amoureuse de la patiente et son vécu aussi sont importants. Comment sa première relation sexuelle s’est-elle déroulée ? Ou sa nuit de noce ? Vit-elle un chagrin d’amour persistant ? Son mari est-il infidèle ? A-t-elle eu une grossesse trop précoce ? Ou non désirée ? Mais encore, a-t-elle subi un avortement ?… Si la femme est en couple ou l’a été, il sera nécessaire de lui faire préciser les rapports dudit couple et le profil de son partenaire. Est-il suffisamment attentionné selon elle ? Présente-t-il lui aussi des problèmes sexuels à type d’éjaculation précoce ? Souffre-t-il d’impuissance ? Y a-t-il ou pas, lors du rapport sexuel, des caresses préliminaires ? On le voit, autant de formes de frigidité dite primaire, autant d’histoires personnelles.

La frigidité secondaire, quant à elle, s’installe après une période de vie sexuelle avec orgasme. Nettement plus fréquente, l’atteinte de la fonction orgasmique, à l’origine organique, présente de multiples causes possibles :

- Il s’agira parfois de la conséquence d’une intervention chirurgicale comme une hystérectomie, de lésions infectieuses de l’appareil génital, tel l’herpès, d’une infection des trompes avec peur de transmettre la maladie au partenaire sexuel, d’un état de fatigue intense, d’une maladie endocrinienne - diabète, insuffisance surrénalienne ou hypophysaire.

- Une modification du terrain hormonal en période de ménopause, ou lors de la prise d’une pilule contraceptive qui ne convient pas, peut s’accompagner d’un effondrement de la libido. Il en va de même lors de la prise de certains traitements médicamenteux prescrivant antidépresseurs et tranquillisants, de traitements cardiologiques…

- La grossesse, aussi, entraîne quelquefois des difficultés sexuelles chez certaines femmes. Faisant suite à l’accouchement, une cicatrice périnéale douloureuse après une déchirure du périnée ou une épisiotomie peut générer une difficulté orgasmique.

- Une stérilité mal acceptée, avec échec des thérapeutiques médicales, peut aussi être source de blocage.

- Comme pour la frigidité primaire, avortement ou toute agression sexuelle, entraînent, dans certains cas, une frigidité secondaire.

- De plus, de graves difficultés professionnelles ou affectives produisent occasionnellement une pathologie identique.

En dépit de tout, la frigidité reste un sujet très controversé. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de déductions tranchées quant à sa fréquence. Cependant, elle n’est en rien un état définitif. Pourtant ainsi perçue, la frigidité devient source de culpabilité au point que simulation et silence fassent loi.

Traiter une frigidité nécessite dans un premier temps de rechercher une affection organique, la diagnostiquer, la soigner si nécessaire et vérifier la persistance, ou non, des troubles sexuels après correction de celle-ci. Dans tous les autres cas, selon l’antériorité du trouble sexuel et son profil, d’autres prises en charge de la patiente frigide sont envisageables. Psychothérapie personnelle, psychothérapie sous hypnose, thérapie comportementale ou thérapie de couple sont autant de possibilités. Enfin, le traitement d’une frigidité lorsqu’elle est dite primaire s’inscrit, à l’évidence, dans le cadre d’un travail sur soi de type psychanalytique. Une démarche analytique permettra de désinvestir les productions fantasmatiques, sources de cette forme de blocage sexuel. Indépendamment de toute violence sexuelle, une telle pathologie manifeste une problématique oedipienne non résolue. Ainsi, l’amour pour le père ou amour oedipien, non « liquidé », peut-il entraîner à l’inconscient une confusion entre homme et père. De cette méprise inconsciente procède une frigidité par interdit de l’inceste interposé, tout rapport sexuel venant réveiller la transgression fantasmatique. Il est indubitable que la part du psychisme reste prépondérante dans la frigidité.

 

 

 

                                                                                                    Docteur Laurence Pescay

 

 

Bibliographie 

 

- Dictionnaire des termes techniques de Médecine, GARNIER-DELAMARE,  21ème édition  MALOINE.

- Abrégé de Gynécologie et d’Obstétrique, H. de TOURRIS, R. HENRION, M. DELECOUR, 3ème édition MASSON.

- Abrégé : Psychiatrie de l’adulte, T. LEMPERIERE, A. FELINE, A. GUTMANN, J. ADES, C. PILATE, éd. MASSON.

Vade-mecum de Psychiatrie, M-P. HAROCHE,  éd. EUTHERAPIE.: